En farfouillant sur le Web ces derniers jours, je suis tombé sur le rapport de la chambre territoriale des comptes sur « la gestion de la politique de l’éducation de la Nouvelle-Calédonie ».
PDF : L'éducation en Nouvelle-Calédonie (1929 téléchargements )
Assez long à lire puisqu’il fait 154 pages mais très instructif et met clairement en évidence les perspectives d’évolution du système.
Ce rapport est disponible sur le site de la cour des comptes (si vous souhaitez être un citoyen avisé et averti, je vous conseille fortement de lire les rapports de la cour des comptes).
Le rapport part d’un constat global pour établir des recommandations.
Une des problématiques soulevée par ce rapport concerne la gouvernance au vu de l’éclatement des responsabilités (DENC (gouvernement), vice-rectorat, provinces). En l’état, le rapport indique que, suite au transfert, « le rôle de pilote du système éducatif est entièrement dévolu à la Nouvelle-Calédonie » mais aussi « Avant le transfert, l’éclatement des responsabilités avait pour conséquence qu’aucun compte rendu centralisé primaire/secondaire n’était effectué ». On ne peut donc reprocher la genèse de cet état de fait à la Nouvelle-Calédonie. A mon avis, l’état doit nécessairement assumer son rôle d’accompagnant dans le transfert effectif de l’éducation. Il ne suffit pas d’injecter seulement des moyens via, par exemple, la M.A.D.G.G (Mise à Disposition Globale et Gratuite – convention du 18 octobre 2011) en pensant que le transfert effectif et ses modalités en découleront. Selon moi l’état assume bien et totalement son obligation de moyen mais a largement plus de difficultés à assumer le rôle encadré par la convention du 20 septembre 2010 qui prévoyait « l’accompagnement de l’État au transfert et à l’exercice des compétences transférées ». Les conventions existent bel et bien mais il serait nécessaire d’assister la Nouvelle-Calédonie concernant la gouvernance ainsi que dans les outils de gestion associée au pilotage opérationnel et de gestion.
Je retiens aussi qu’il évoque l’absence de lien informatique entre le primaire et le secondaire ce que j’avais déjà fortement souligné au cours du projet éducatif calédonien. Si l’on veut un système cohérent, pérenne et efficace, il faudrait avoir un système d’information global et unifié, un « socle commun » informatique. L’on ne saurait effectuer des projets et initiatives épars non transverses qui ne permettront pas, in fine, d’atteindre l’objectif d’un système d’information cohérent (EducaSud pour la province Sud, applications nationales du vice-rectorat, applications locales de la DENC).
Le rapport propose une optimisation des moyens par le biais d’un regroupement des services par fonction analogue en lieu et place d’une dichotomie public / privé.
Les autres grands enjeux de l’éducation sont spécifiés dans ce rapport, qui reprend, en partie, ceux identifiés dans le projet éducatif calédonien : prévention du décrochage et contrôle de l’absentéisme, réduction des inégalités, mise en place d’indicateurs de performances des établissements, prévention des actes de violence et prise en charge des élèves en difficulté, etc.
Cela fait un écho à mon expérience professionnelle puisque j’ai travaillé sur divers projets dont, notamment, un logiciel pour le signalement et le suivi des absentéismes de longue durée dans les établissements public d’enseignements (SignAbs) dont j’ai assuré l’ensemble de la conduite de projet jusqu’au développement, un logiciel pour le signalement et le suivi des faits de violence (CIVINC) ainsi qu’un outil de pilotage sous Business Objects pour le suivi de la performance des établissements . Ces différents travaux sont les plus emblématiques (et non exhaustifs) de mon travail dans le sens où ils ont bénéficié d’une couverture médiatique ou d’un fort retentissement au sein de notre administration, CIVINC a été évoqué par M. le Vice-recteur, sur NC1ère, dans l’émission « sans détour » du 30 avril 2015 consacré au sujet des violences scolaires et SIGNABS dans le documentaire « les chemins de traverse » consacré au décrochage scolaire et diffusé le mardi 6 octobre 2015 toujours sur NC1ère. Les tableaux de bord pour le suivi de la performance des établissements furent souvent évoqués par M. le Vice-recteur Patrick Dion et, notamment, lors du séminaire des contributeurs au projet éducatif calédonien auquel j’ai participé. A mon arrivée, j’ai également résolu un incident majeur de piratage du serveur Web du vice-rectorat, laissé compromis pendant des mois. L’inaction aurait pu avoir des conséquences bien plus graves.
Cet écho résonne d’autant plus que, né en Nouvelle-Calédonie en 1984 et citoyen calédonien, j’avais sollicité le transfert du Centre de mes Intérêts Matériels et Moraux (CIMM) auprès du vice-rectorat pour m’établir durablement et continuer à œuvrer sur ces sujets stratégiques. Cette demande m’a été refusée sans explication alors même que ma propre hiérarchie m’avait demandé, oralement, d’engager cette démarche. L’absence de cadre juridique clair pour le transfert du CIMM ne respecte pas, à mon sens, le principe d’égalité. Des critères de priorité (lieu de naissance, scolarité, enfants, biens immobiliers, etc.) devraient encadrer ce type de décision afin de garantir une procédure équitable. Avec le recul, je conseille vivement à toute personne confrontée à une situation similaire de ne pas hésiter à recourir à la justice pour défendre ses droits.
Quand je vois la reconnaissance de mon travail de l’époque, reconnu aussi bien au niveau médiatique (émission sur NC1ère), que dans des rapports officiels, comme celui de la cour des comptes qui mentionne CIVINC, que j’ai mis en place de A à Z ainsi que du tableau de bord des établissements, je ne peux m’empêcher de constater l’absurdité de la situation. Une incohérence béante dans l’attitude de l’administration de l’époque, ceux là même qui m’avaient initialement encouragé à entreprendre cette démarche : d’un côté, le vice-rectorat a refusé ma demande de CIMM, et de l’autre, il a tout mis en œuvre pour compliquer mon départ avant la fin de ma mise à disposition, me laissant dans cette situation paradoxale : « on ne veut pas que tu restes » mais « on ne veut pas que tu partes »…
Revenons à l’essentiel, le texte ci-dessous reprend tout ou partie les éléments synthétiques de ce rapport.
L’éducation en Nouvelle-Calédonie est un pilier essentiel pour le développement socio-économique du territoire. Cependant, elle représente également l’un des secteurs les plus coûteux pour les finances publiques locales. Plusieurs rapports, notamment ceux de la Chambre territoriale des comptes (CTC), ont mis en évidence les défis du système éducatif calédonien en termes de gouvernance, d’efficacité économique et de performance. Cet article propose une analyse critique du système éducatif, en s’appuyant sur ces études, et compare son coût avec celui du système éducatif métropolitain.
Table of Contents
1. Un système éducatif sous tension financière
Dépenses publiques en éducation en Nouvelle-Calédonie
La dépense publique pour l’éducation en Nouvelle-Calédonie est l’une des plus importantes postes budgétaires du territoire. Selon les données disponibles, en 2010, elle s’élevait à près de 100 milliards de francs CFP, soit environ 12 % du PIB du territoire, comparé à environ 5-6 % du PIB en métropole. En 2020, le coût total de l’éducation pour l’État était estimé à environ 120 milliards FCFP (environ 1 milliard d’euros).
Les principaux postes de dépenses comprennent :
- Salaires des enseignants : pris en charge par l’État pour le secondaire et en partie par la Nouvelle-Calédonie pour le primaire.
- Entretien et construction des infrastructures scolaires dans les différentes provinces (Sud, Nord et Îles Loyauté).
- Subventions aux établissements privés et dépenses liées aux politiques éducatives spécifiques, comme la promotion des langues kanak.
Coût par élève : une comparaison avec la métropole
Le coût moyen par élève en Nouvelle-Calédonie est bien plus élevé qu’en métropole. Selon les estimations, ce coût se situe entre 15 000 et 20 000 euros par élève dans le secondaire, contre une moyenne de 10 500 euros en France métropolitaine.
Les principales raisons de cette différence sont :
- Dispersion géographique : Les infrastructures doivent couvrir un territoire étendu et diversifié, avec de nombreuses îles et des zones isolées, ce qui augmente les coûts logistiques.
- Petite taille des établissements : Dans les zones rurales, les établissements accueillent un nombre réduit d’élèves, limitant les économies d’échelle.
- Primes et avantages pour les enseignants : les enseignants dans les régions isolées ou rurales sont sujets à des incitations financières significatives.
2. Inégalités territoriales et sociales persistantes
Disparités géographiques
Les inégalités d’accès à une éducation de qualité sont l’un des principaux défis relevés par la CTC. Le pourcentage de la population sans diplôme est nettement plus élevé dans les provinces éloignées : 41 % en province des Îles et 45 % en province Nord, contre 23 % en province Sud. Ces disparités se reflètent également dans les taux de réussite au baccalauréat.
Les infrastructures éducatives sont inégalement réparties, avec une concentration des établissements bien équipés et des enseignants qualifiés à Nouméa, tandis que les Îles Loyauté et la province Nord souffrent d’un manque chronique de moyens.
Conséquences sur les performances des élèves
Ces inégalités territoriales se traduisent par des performances scolaires insuffisantes. Selon les évaluations lors de la Journée Défense et Citoyenneté, environ 13,5 % des jeunes calédoniens présentent des difficultés sévères en lecture, contre 4,9 % en métropole. En incluant les « faibles lecteurs », ce chiffre atteint 33 %, soit près du triple du taux métropolitain.
3. Problèmes structurels et gouvernance éclatée
Transfert des compétences éducatives et gouvernance complexe
Depuis 2012, la Nouvelle-Calédonie a récupéré la gestion du système éducatif primaire et secondaire, conformément à l’Accord de Nouméa. Cependant, ce transfert de compétences a mis en lumière des lacunes dans la gouvernance. Le rôle de l’État et celui de la collectivité sont parfois mal définis dans certains domaines, entraînant une fragmentation des responsabilités.
Le rapport de la CTC critique le manque de pilotage centralisé. Avant le transfert, il n’y avait pas de coordination suffisante entre le primaire et le secondaire. De plus, l’absence de systèmes informatiques intégrés oblige les services à ressaisir manuellement les données des élèves, générant une perte de temps et d’efficacité administrative.
Recommandations pour une meilleure gouvernance
La CTC recommande de :
- Centraliser les systèmes informatiques pour assurer un suivi continu des élèves entre les niveaux primaire et secondaire, et améliorer le suivi statistique des performances scolaires
- Renforcer la coordination entre l’État et la Nouvelle-Calédonie pour clarifier les responsabilités et éviter les doublons dans la gestion
4. Recommandations pour améliorer l’efficacité et réduire les coûts
Rationalisation des infrastructures
Les infrastructures dans les zones rurales et insulaires sont souvent sous-utilisées, entraînant des coûts d’entretien disproportionnés par rapport à leur fréquentation. La CTC recommande de regrouper certains établissements ou de les fermer lorsque cela est possible, et d’investir dans des solutions numériques, comme l’enseignement à distance, pour améliorer l’accès à l’éducation dans les zones éloignées.
Amélioration du suivi financier
La CTC critique l’absence de suivi centralisé des dépenses éducatives. Les dépenses des communes, provinces et de l’État ne sont pas systématiquement enregistrées et centralisées, ce qui empêche d’avoir une vision claire des coûts réels de l’éducation. Le rapport recommande de créer une base de données commune pour assurer une meilleure transparence budgétaire.
Optimisation des ressources humaines
La gestion des enseignants, notamment dans les zones reculées, est un autre axe d’amélioration. La CTC recommande de renforcer les incitations financières et d’améliorer les conditions de travail pour attirer et retenir les enseignants dans les zones où les besoins sont les plus importants.
Conclusion
Le système éducatif de la Nouvelle-Calédonie, bien qu’étant l’un des secteurs les plus coûteux du territoire, présente des résultats mitigés. Le coût par élève est nettement plus élevé qu’en métropole, sans que les performances scolaires ne justifient cette différence. Pour améliorer l’efficacité et réduire les coûts, des réformes structurelles sont nécessaires, notamment dans la gestion des infrastructures, la centralisation des données financières et la coordination des politiques éducatives entre l’État et la Nouvelle-Calédonie. Ces réformes pourraient permettre de répondre aux défis posés par les inégalités territoriales et sociales, tout en maximisant le retour sur investissement dans le secteur éducatif.
Sources
Rapport d’activité de l’État en Nouvelle-Calédonie : Éducation et recherche
Chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie : Rapport sur la gestion de l’éducation
Note : Les données statistiques ont été mises à jour autant que possible en fonction des informations disponibles jusqu’en 2021. Il est recommandé de consulter les sources officielles les plus récentes pour obtenir des chiffres actualisés.